La poésie est ici, dit Yu, la ressemblance lointaine, si lointaine que le cerveau
s’y perd. J’affirme qu’il y a Xun rapport entre 1/2 et la neige - et je m’y tiens
jusqu’à ce que les autres l’acceptent. [1]
Les brèves lectures qui suivent forment constellation, quand bien même pourraient apparaître très éloignés les choix esthétiques des ouvrages présentés, et de fait associés. D’où l’invitation à considérer le tout à l’image du jardin japonais du poète Yu. Que s’en dégage une manière de poésie. Décoller les touches d’un piano, en chercher la corde sensible. De la note bleue, l’écriture, des livres garderaient mémoire. Corde qui formerait ligne serpentine, pour à la douleur, à la cruauté, opposer beauté.
Nicole Caligaris, Le paradis entre les jambes [2]
« La littérature ne peut pas se dispenser de la confrontation aux scandales supérieurs qui détruisent l’ordre civilisé et exposent l’homme aux dangers de son essence. À moins de s’en tenir à la fonction ornementale qu’on lui accorde pour la désamorcer de tout pouvoir, la littérature ne saurait être inoffensive, et même pas admissible. L’écrivain sait qu’il est coupable d’assister Perséphone, coupable de se laisser monter par Hadès, il sait qu’il est coupable de ce travail des obscurités, des élans redoutables que l’harmonie n’admettra pas, coupable de chercher encore la proximité du désastre, de répéter la faute humaine, non pas de la raconter, de la répéter, coupable de pratiquer sur l’homme des prélèvements infects pour les porter au niveau de la langue et des narines, coupable de se rendre inconciliable avec la paix, d’aller chercher les forces de la catastrophe. La littérature n’est ni propre ni convenable, n’a rien à voir avec l’élégance, elle est obscène, sous-consciente de ses enjeux, héritière de la pensée sorcière dont Michelet révéla le sens : un pouvoir mineur, lunaire, siégeant entre les lèvres du vagin de Baubô, contraire au soleil écrasant. » (134-5)
Voilà qui ressemble à une profession de foi, et c’en est une. Sinon à quoi bon écrire en effet ? Mais il ne s’agit pas d’écrire n’importe quoi, et ce n’est pas la gravité du "sujet" qui fera littérature, mais bel et bien l’autorité de qui en aura éprouvé au plus profond la gravité, de manière à ce que, de conserve (pour le lecteur), un pas aura été effectué, sinon gagné, du moins risqué, et en tout cas au-delà. Le sujet : serait-ce exhumer un fait divers particulièrement suffocant, un crime qui dépasse l’entendement, et qu’il vous aura été donner de côtoyer ? il ne s’agira pas d’apporter une quelconque explication, ou une "pierre noire" à ce qui est devenu fonds de commerce du "japonais cannibale" qui en en 1981 défraya la chronique. Ce fut. Et forcément avec des résonances. Se figurer aussi un étudiant avancé auteur d’une conférence sur Kawabata, passeur de Junichiro Tanizaki. Un échange de lettres, on ne connaîtra que celles d’Issei Sagawa, leur invraisemblable placidité, tandis que trente ans après Nicole Caligaris, avec ce livre en accuse en tous cas publiquement réception, et en délivre sa purloined letter. Je suis frappé que sur la couverture du livre figure un détail de l’Ange anatomique [3], qui en 1978, faisait la couverture de L’Ordre médical, un livre fameux de Jean Clavreul [4]. Cet "ange" de dos, peut certes rappeler le modus operandi du meurtre, le visage du modèle, son port de tête, d’une étrange beauté, comme déni de l’horreur, les "ailes" artistement déployées, la chevelure, comme les hanches connotant la féminité. Pour quelle annonciation ?<br<
Je ne déplie pas, j’ai mon idée, comme vous sans doute, mais quant à trouver les mots pour la dire... Une volte donc, un bonnet de bain et à l’eau ! et de comprendre aussi pourquoi cette écriture (et son auteur !) n’a pas froid aux yeux, et l’écriture genrée, la forme est sexuelle et se dit telle, mais pas avec "les mots à eux", mais les mots à elle. Ce "thème" — littérature est genrée, me semble être la première priorité de lecture, d’un livre pensé d’une extrémité à l’autre (on l’a vu, couverture comprise), et le crime au fondement du social (freudiano more) saisi comme résultant de cet oubli de l’être, qu’est l’oubli de l’être féminin, i. e. l’assujettissement à la "raison" conquérante, et la cruauté subséquente.
D’un autre côté genre, réputé littéraire cette fois, on aura noté que l’auteur répugne à l’autoscopie [5] : « La jeune femme que j’étais est un document abscons pour la femme que je suis devenue », écrit-elle, et c’est ainsi qu’elle livre, rencontre d’une toute autre portée, et de la même époque cependant, un portrait de lecteur, de ceux qu’on souhaite à son livre sans œillères :
« Lecteur sans inhibition, libre des filets idéologiques, des hiérarchies convenues, des filtres habituels de l’étroitesse d’esprit, le jeune homme déjà savait porter un regard heureux sur ce dont les modes ne voient pas la beauté. Et il était sans crainte. Il exposait farouchement des enthousiasmes, des dégoûts qui fâchaient, qui souvent n’étaient même pas compréhensibles à l’intérieur des bornes conventionnelles du goût, et qu’il estimait devoir se passer d’arguments tant il avait confiance dans la valeur de ce qu’il aimait. »
Bertrand Leclair, Malentendus [6]
« Pourquoi est-il si difficile de ne pas se prendre les pieds toujours dans le même tapis du passé, pourquoi n’est-on jamais capable de se parler, simplement, laisser parler l’amour au barrage de ses dents, et partager enfin ce qui demande à l’être, la vie, si brève, si brève pourtant ... Si difficile, même lorsqu’on l’éprouve, de réussir à dire l’amour, d’apprendre à le partager, à le parler, l’amour, cette langue étrangère dont on sait bien qu’elle engage, autant que les mots, les gestes, les caresses ou les regards, tout le corps au fond. »(235)
Ceux qui sont attentifs au travail de Bertrand Leclair pouvaient lire, alors que venait d’être publié(e) Une guerre sans fin [7] :
« En résidence d’écriture depuis 2008 à l’International Visual Theatre, collectif de comédiens sourds dirigé par Emmanuelle Laborit [8], Bertrand Leclair travaille sur un événement historique traumatisant dans l’histoire de la surdité, celui du colloque International de Milan, en 1880, qui vit l’interdiction de la langue des signes en France, et par la suite, dans nombre de pays d’Europe. »
Je le relate pour dire le tempo de l’écriture [9]. D’aucuns auront pu assister à la représentation d’Héritages, spectacle bilingue langue des signes française/français, qui se donne pour argument :« Julien Laporte, sourd profond de naissance, revient vingt-cinq ans plus tard dans la maison de famille qu’il a fuie à l’âge de vingt ans. L’héritage qu’il revient liquider, est aussi celui de l’histoire des sourds, notamment du congrès de Milan qui, en 1880, interdit la langue des signes dans l’éducation des sourds pendant près de cent ans. »
Aujourd’hui, chez Actes sud, Malentendus est un roman, dont la quatrième reformule ainsi la problématique :
« La vie de Julien Laporte exige d’être racontée, parce qu’elle est symptomatique, non seulement de l’histoire terrible des sourds au XX° siècle, le pire de tous, mais plus encore de la folie ordinaire des hommes, de leur capacité à désintégrer l’humain, à maudire le vif du vivant, serait-ce avec les meilleures intentions du monde, serait-ce au nom de l’amour des autres ou, en l’occurrence, de l’amour d’un fils. »
Le Monolinguisme de l’autre (Jacques Derrida [10] répétait à satiété : « Je n’ai qu’une seule langue et ce n’est pas la mienne. » Bertrand Leclair ne recule pas devant le verbe édifier, et nous le suivrons, pour dire, avec confiance :
« Il faudrait donc tout, tout inventer ? Parce que je n’allais pas renoncer, tout de même. Ce n’est pas seulement, ce n’est pas tant l’histoire des sourds, elle a déjà été racontée ... Ce n’est pas seulement cette étrange manie si courante à l’échelle des familles comme à l’échelle du monde, de vouloir faire le bien des autres [11], serait-ce à leur corps défendant, serait-ce malgré eux. C’est aussi l’amour que l’on dit parental, sachant si mal ce qu’il peut être, cet amour, ce que nous en faisons au quotidien des jours, ce qu’ils en font, vraiment, ces pères, ces mères pleins d’amour, qui veulent aimer leurs enfants, les protéger, leur donner tout l’amour dont ils disposent, sans parvenir cependant à aimer ce que profondément sont ces enfants, ou ce qu’ils deviennent, qui voudraient tant qu’ils soient autres que ce qu’ils sont, est-ce si rare ? Et pourtant ... Avons-nous tant de raisons de nous croire forts d’un savoir stable et sûr ? Ne vaudraitil pas mieux croiser les doigts dans l’espoir que nos enfants y arrivent un peu mieux que nous, à vivre sous un ciel vide, libérés du carcan des superstitions religieuses, mais enfermés en nous-mêmes ? À devenir bilingue, peut-être, d’apprendre à parler l’amour...
Alors, oui, tout inventer, pour tenter un peu de dire l’ancestrale malédiction des familles, la soulever au moins sinon la lever, cette malédiction qui n’a pas plus à voir avec la surdité que la bénédiction de la vie ne dépendra jamais de notre capacité d’oraliser le monde, mais de l’intelligence du cœur que nous pouvons déployer dans l’espoir de parvenir, par instants, à le formuler enfin - arriver enfin à s’entendre, les uns les autres, sans préjuger de ce qui ne devrait être qu’un moyen pour y parvenir.
Ce que je me suis dit, au réveil, le matin de la méfiance des pères d’enfants sourds, avant de me jeter sur mes cahiers, commencer enfin ce récit sur un chemin dès lors parfaitement balisé, décidant d’avancer en confiance, dans la pérennité du ciel et de la terre. » (255-257)
Ainsi, ce qui aurait pu être un essai devient un roman magnifiquement construit, avec de vrais personnages (pas des marionnettes convoquées pour les besoins de la cause), auxquels on accorde crédit, quels qu’ils soient, nous prenant au jeu d’une histoire — douloureuse — de libération de quelques unes de nos surdités autant que de la malédiction initiale pesant sur qui en est atteint, et la sorte de contamination qui s’empare des proches, analyseur des peurs, des limites, de l’"idéal du moi", — cette connerie, ainsi que l’écrit Esther Tellermann, en analyste lucide et en poète, c’est tout un.
Deux mots donc : reconnaissance, respect.
Yves Charnet, La tristesse durera toujours [12]
Pour avoir eu le privilège de recevoir les « belles épreuves » de ce livre, j’adresserai en retour, cette lettre de l’écrivain Charnet — belle page et sans guillemets :
14 heures. Je suis retourné au Saint Pa. La pizzeria de cet hiver, avec vue sur le fleuve. J’ai fui la fête des mères. Cette saloperie. Il y avait des tribus attablées dans toutes les brasseries. Les rares restos. À cette heure le Saint Pa est presque désert. Une table à l’abri, derrière une cloison de bois. Je picole un petit pastis. Salade verte & tomates. J’aime cette vue sur la ville. Le pont de pierre, son parapet, ses arches ; la Loire, son débit, son écume, ses gris ; les toits d’ardoise sur le quai, leurs perspectives ; les remparts en ruine, en haut à gauche ; le clocher de l’abbatiale clunisienne ; sur la droite, enfin, d’autres toits d’ardoise, de tuiles orangées parfois, des arbres d’un vert touffu, frondaisons en fouillis, l’asile par là-dessus. C’est ça, La Charité. La carte postale de ce bourg provincial. La fille vient reprendre mon assiette. Son regard oblique sur ma page ; les grosses lettres noires, illisibles. Le patron vérifie la cuisson de ma pizza. Dans son vieux four en métal grisâtre. Je finis mon pastis. Les yeux dans le vide. Le sénateur-maire m’a proposé de revenir. En marge du Festival du mot. J’ai lu des pages du bouquin en cours. Hier, à la bibliothèque municipale, place de l’Europe. La porte du jardin, rue des Fossés, donnait sur cette place. Boucle bouclée. J’ai raconté aux gens comment ça se fabriquait. Un bouquin. Je les ai fait rentrer dans l’atelier. Mon bricolage amoureux. Gaëtan m’a fait parler. Yves, vos souvenirs, leur écriture. Ils ont la même initiale. Monsieur Gorce, Madame G. J’ai un G en travers de la gorge. Glaçons, ma mémoire gelée. J’ai donc résumé. Ma recherche du temps perdu. J’ai livré mes petits secrets. La différence entre les carnets, le roman ; entre diariste et narrateur ; l’autoportrait, l’autofiction ; tout ça, tout ça. Les pizzas sont bonnes. Au Saint Pa ; la pâte, surtout. Je bois un verre de sancerre rouge. Un peu aigre, pour du vin. Je regarde la Loire. Sa couleur d’origine ; limon du commencement. Personne ne reviendra nous pétrir. Personne. J’ai confondu Madame G. avec Dieu. Merveilleuse folie. Tout est sans retour. » (121-122)
Mille choses m’intéressent ici, bonne pâte que je suis ! Entre autres : « Je les ai fait rentrer dans l’atelier. » Certes, « Personne ne reviendra nous pétrir », les lettrés l’auront allègrement confondu avec le piazzaïolo. Certes, confondre Madame G. avec Dieu (G. B. le fit pour autre). Mais pas le diariste et le narrateur... Il est très fort, dans sa fragilité exposée, notre Yves. Goûtez et voyez comment ça se fabrique... (c’est lui qui le dit, et au surplus il a tout bon). Est-ce l’une des clés de ce récit, comme un journal de résidence ? oui rentrer dans l’atelier (là où le bon Dieu s’énervait — le livre est plein de chansons), revenir donc, se ré-originer en somme (ici Thomas taquin). Je n’omets nullement la description, pont, parapets, Loire, limon, et gloire de l’instant de re-création. À l’envi, se répète la formule de l’écrire avec “de soi” : « Qui sait ? Peut-être un peu d’or dans ces notes ? » (167), extraordinaire défi (et beau combat de langue), consistant ici (est-ce moins vrai ailleurs ?) à "toréer toute [s]on enfance la corne du silence maternel", celui de l’écriture "matricide" (cf. infra*), et il faut le dire Yves Charnet y réussit pleinement, pacte de lecture et vive attention au texte, donnent de prendre la vérité de parole de formules telles que : « C’était une année blanche. Comme une baleine ». Elle n’est nullement gratuite la référence "culte" du professeur de culture gé (comme Madame à laquelle il se dédie) qui ne s’assigne en tant que tel pas d’autre mission que d’éveiller au sensible des tripoteurs de logarithmes, il en a payé le prix fort.
Et c’est pourquoi il faut, oui faut, accueillir ce livre dans l’amitié qu’il donne en fait, la pudeur qui se masque derrière certaines outrances de l’auto-dérision, de la sur-sensibilité ; si celle-ci va jusque là, c’est qu’elle a ses raisons, et sait aussi, heureusement ne pas aller trop loin, en appelant justement aux artistes qui la chantent d’une autre manière (Nougaro, Trenet, j’en passe) ou tel Pialat (la phrase-titre lui est due) s’en font un cinéma que l’on n’oublie pas. Et c’est ainsi que l’autofiction rejoint étonnamment le roman courtois, lances rompues contre l’adversité, dé-boires de toutes sortes, quête du Graal (sexuel cela va sans dire [13]), pour l’honneur de Dame Fiction, institutrice au grand cœur, génératrice-génitrice de l’imaginaire généalogie du chevalier qui publie sa louange, of course, à la Table Ronde (facétie trop tentante !).
Livre nécessaire, pour son auteur c’est évident, il ne le sera pas moins, dans sa forme propre [14], pour beaucoup d’autres, comme ce le fut pour des générations de lecteurs de Borel ou de Gary, auxquels la recherche du dire littéraire de soi est une impérieuse, si ce n’est vitale nécessité.
Michèle Finck, Balbuciendo [15]
De mots anonymes au bout des doigts.
Ai-je cru neiger entre les bras d’un fou
Sublime ? Maintenant je peins
Les cicatrices de l’invisible en noir.
Ce peu de buée de sons qui tremble
Sur la page déchirée me suffit.
Si je m’écoutais, comme le poète Yu, je m’en tiendrais là, à écouter/voir chacun des mots, et n’ajouterais rien de plus.
D’ailleurs, je n’ajouterai rien ou si peu : entendant Seule, je lis Sainte (Bataille), est-ce à cause de Jean de la Croix ?
un no sé qué que quedan balbuciendo [16]
Vraisemblablement.
J’ai appris — si j’ai appris — à lire Michel Finck, avec son essai Le Simple et le sens sur la poésie d’Yves Bonnefoy, et son ouverture, significative, sur ce roman abandonné L’Ordalie.
Je reprends la présentation de l’éditeur :
« "Enfin Jean Basilide avait tué le silence (…) C’était un grand bonheur. Et composé des phrases les plus simples, mais chargées désormais de sens" (Yves Bonnefoy, L’Ordalie). À partir de ce texte qui prend acte de la naissance d’une poétique, Michèle Finck formule, dans "l’impatience de l’intuition", une hypothèse de lecture : la genèse de la poésie d’Yves Bonnefoy coïncide avec l’avènement du "simple" et du "sens" dans la parole.
La poésie d’Yves Bonnefoy est un "risque" qui est la preuve de la "vérité de parole" : "risque" du "simple" car le mot, à peine prononcé, détruit l’immédiat et ne peut dire que la médiation ; "risque" du "sens" qui est ici inséparable de son propre déchirement. Le "risque" prend la forme d’un questionnement des deux catégories dont la remise en cause est l’acte fondateur de la modernité : le corps, le lieu.
Pour Yves Bonnefoy, une équivalence s’introduit entre trois vocables qui sont la clé de voûte de son œuvre : le "simple", le "sens" et le son. La poésie de Bonnefoy a la force d’une révélation : le son est le mode privilégié de l’avènement du "simple" et du "sens" dans la parole poétique. Par une écoute de la matière sonore des poèmes, Michèle Finck cherche à proposer une lecture nouvelle des rapports entre la poésie et la musique. »
Fidèlement l’intuition initiale aura été suivie, et doublant les travaux d’enseignant-chercheur, un chemin de poésie (en relation avec les arts, dont le cinéma) aura été accompli [17]. Peu de recueils publiés, mais quelle densité pour ceux qui sont donnés à connaître ! « Ce peu de buée de sons qui tremble /Sur la page déchirée me suffit. » écrit-elle. Certes, mais que ne donne-t-elle pas à entendre !
Et pour cela, accomplissons d’abord, ce qui n’est pas tout à fait un détour, mais plutôt l’entrée dans une chambre d’harmonie.
« On connaît l’œuvre forte et mystérieuse de Giacometti intitulée « L’objet absent ». Michèle Finck a consacré son essai à la relation que les poètes ont entretenue avec elle, et plus particulièrement ceux de la revue L’Éphémère, qui accueillait les trois poètes dont elle analyse les écrits sur « L’objet absent », André du Bouchet, Jacques Dupin, Yves Bonnefoy, ainsi que des traductions de Paul Celan sur le même sujet. Comment écrire sur une sculpture de « trace », sinon par un langage de « trace », entendu comme le fait Blanchot au sens d’ « expérience du fragmentaire » ? C’est ce qu’ont fait les poètes tout d’abord, Bonnefoy étant le seul qui ait dépassé cette interprétation. » Voilà pour une brève description de Michèle Finck, Giacometti et les poètes : « Si tu veux voir, écoute » (Hermann, 2012 [18]), celle que Marie-Claire Bancquart, donne en débutant sa recension du livre pour la revue Europe de janvier-février 2013, p. 373.
Ajoutons pour son pouvoir éclairant la coda de ce livre : « La poésie à l’écoute des arts visuels : pour une entre-audition ». Car, invoquant Gerard Manley Hopkins (En rythme bondissant), Michèle Finck aura mis en évidence chez Giacometti une acoustique des arts visuels, tout en marquant que la formule cistercienne : « Si tu veux voir, écoute » n’est jamais une réponse : c’est une question (riche en tensions et en paradoxes) adressée à Giacometti par chacun de ses interprètes (243 - je souligne).
Fortifiés de ceci : « L’émancipation de l’audible dans le rapport de la poésie avec les arts visuels a pour conséquence la place croissante accordée au lecteur. Que la poésie, devant la peinture, tende l’œil et l’oreille jusqu’aux limites du possible, et c’est le rapport du lecteur à la poésie qui s’en trouve modifié - par le mouvement de bascule de l’œil hors de lui-même. L’indicateur de profondeur audible appliqué à une œuvre des arts visuels par et dans l’approche de poésie donne du jeu à un lecteur de plus en plus actif. Là où peinture et sculpture apparaissent, grâce à leur prise en charge poétique, comme un précipité de silence et de son, le lecteur est invité à faire œuvre de déchiffrement en compagnie du poète. Écouter pour voir exige de la part du lecteur une forme d’émancipation : il est sommé de dépasser le double clivage qui sépare le visible de l’invisible, et la profondeur visuelle de la profondeur sonore ; et s’il se laisse traverser par l’énergie inouïe née de la mise en tension réciproque du voir et de l’écoute, il accède non seulement à une nouvelle dimension de la poésie et des arts visuels, mais aussi à une nouvelle dimension de l’existence, enfin libérée de son carcan conceptuel. Quel vocable risquer, pour formuler cette nouvelle dimension de l’existence, sinon celui, rimbaldien, de dégagement ? » nous voici plus pleinement en mesure d’accueillir/ écouter balbuciendo et entre tous j’élis ce passage du volet central du triptyque [19] :
Mais (comme souvent dans les rêves) ne pas parvenir à comprendre ce que répondent peut-être les cendres de cette voix, que le vent d’ouest amplifie et éparpille au large et qui ensemencent la mémoire de leur énigme fatale. » (40)
Ainsi s’entendent les « larmes de l’oreille » [20] ; s’il en va pour la poète de ce qui la touche au plus près, il n’en va pas moins pour le lecteur du partage de mots, de rythmes, d’images, de sons, qui appellent au dégagement, et rappellent selon la "leçon" de Maria Zambrano, pourquoi on écrit : à cause d’une solitude essentielle, isolement effectif, mais isolement communicable [21].
Lecteur indocile, tout se passe comme si j’avais commencé par mettre au premier plan Scansions du noir, il est clair (?) que sans Sur la lame de l’adieu (poèmes de la séparation), et Triptyques pour le père mort, celles-ci ne prendraient pas (pour le lecteur qui n’en saurait rien) la densité des « Croquis d’agonie sur les draps crevassés/ Par l’insomnie. » (66)
Cependant que le jour amène :
Sur le piano noir
D’un flocon de neige. (76)
François Rannou, La Chèvre noire [22]
Sans cesse luttant pour préserver ça. Pas leurs mots leurs repères. Ils ne sauront rien. (17)
« Il y a trop de fantômes dont je ne sais rien » (16) déclare François Rannou [23] et le sacrifice de La Chèvre noire, inspiré par la nekuia odysséenne [24], est accompli pour en faire revenir quelques uns, préférablement quelques unes... Les bribes, ci-dessus désignent un secret de famille, secret des origines, qui donnent à l’écriture son élan, celui d’une quête obstinée, son allant, son allure rhapsodique, avec juste ce qu’il faut de matériaux, pour donner teneur de récit, le cousu-décousu d’une analyse avec son faufil qui resurgit là où on l’attendait/ne l’attendait pas, ce qui donne un rythme très particulier aussi chaotique que cohérent [25], avec des notes qui déportent l’attention cependant que la partition est très écrite.
La suite ainsi composée a pour indications initiales une phrase, ou un syntagme pris à chacune des parties, à la manière de tableaux d’une exposition, leur conférant leur tonalité : La maison jaune, instinct maternel — ... Visible, clairement sous la taie du regard ... — Elle se trouve dans le passage — Plis de tulle — Les cordes serpentent... C’est à la recomposition d’un paysage intérieur, tel que peuvent se le figurer les enfants, attentifs à l’étrangeté du réel, comme l’atteste l’ultime question : « Et sa musique ? ».
La sensibilité de l’enfant, à fleur de peau, à fleur d’ouïe, n’a pas abandonné le poète, car c’est bien d’un poète que reviennent les éclats d’un passé qui aura mystérieusement rendu un présent : ce récit-poème qui aura trouvé sa voix [26] .
Ariane Dreyfus, La Lampe allumée si souvent dans l’ombre [27]
« Écrire me semble avoir beaucoup en commun avec l’amour et l’amitié ; et en particulier il y a cette étonnante et désespérante liaison d’une solitude et d’un désir d’être ensemble toujours qui caractérise tout amour et tout désir d’écrire. [...] Aimer, c’est bien développer une sorte d’écriture de l’autre (en même temps de soi) à travers gestes et discours, et signes qu’on a, dans le désir ou le leurre de vivre avec cet autre. Bien sûr tout cela pourrait se dire de la haine ... mais il me semble qu’aimer (écrire-aimer) débouche sur plus de questions, de mystères, d’ignorances, et côtoie mieux (si même à travers parfois des rêves de futiles fusions) l’énorme nuit qu’est l’indifférence et le non-sens de tout ... »
Ariane Dreyfus pose ceci à l’orée d’un ensemble qu’elle consacre à James Sacré (Celui qui m’a montré), dans le recueil d’essais (1986-2011), paru dans la collection en lisant en écrivant, et qui emprunte son titre à une nouvelle de la poète suisse Claire Krähenbühl [28]. Les lecteurs, tant d’Ariane Dreyfus que de James Sacré, n’en seront guère étonnés. Qui les découvrirait le fera en compagnie d’une guide sûre. Mais de cet ensemble si riche d’articles réunis thématiquement le plus souvent [29] , et que l’on aura rencontré dans des revues ou sur des sites — toutes les indications sont données aux p. 305-307, suivies d’un index des noms cités — je voudrais privilégier, exemplairement, Tel Orphée, mais autant de fois qu’il faudra p. 214-304, et pas seulement parce que ses derniers mots me rappellent un titre du trop méconnu Pierre-Albert Jourdan, Le Bonjour et l’adieu, que la poésie peut en effet prononcer ensemble et la vie s’appeler ainsi, mais parce qu’Ariane Dreyfus lisant un poème de Stéphane Bouquet, fera, nous l’espérons, saliver le lecteur :
« Je parle de « salive » car cela s’est produit tout de suite. Ce choc heureux quand j’ai découvert cette poésie, cette révélation physique : j’aime cette écriture car elle fait vivre ma salive dans ma bouche, tant je sens qu’elle a mâché tout cela dans la sienne avant de nous le donner. Un seul exemple suffira ici », ajoute-t-elle, prenons-le :
juste marcher d’un pas qui produise
une durée épaisse parmi les autres : ok c’est de toute façon
ce que je fais en général marcher et tenter de vous
contenir et ô si vous voulez venir maintenant
dam mon temps dans
le terrain de ma douceur haute d’herbes
pour mesurer à loisir à travers
mon corps tout le bond de votre jeunesse mais
aujourd’hui l’endroit reste un parquet désert et calme
avec moi, peut-être demain
aurez-vous lieu dans un instant de cet espace [30]
J’ajoute, quelques pages plus loin :
« J’ai aussi choisi ce poème parce qu’il montre bien à quel point cette poésie est à l’affût des moments de vie partagés, quelque part avec quelqu’un ou quelques-uns. Pas de poésie plus « partageuse », profondément : je veux dire par là que ce n’est pas qu’une intention ou un thème mais quelque chose qu’elle s’évertue à réaliser dans l’écriture et la conception des œuvres. Pour cela, porosité et démultiplication sont ses maîtres-mots : un corps-carrefour ouvert à tous ; un langage à plusieurs niveaux et jamais prévisible (littéraire autant que scientifique, trivial autant que cultivé, qui utilise indifféremment tropes et abréviations, expressions qui traînent partout et néologismes délicats). Lyrisme voué non pas à l’effusion, mais à la dissolution de l’individu (il va jusqu’à rêver d’étreintes d’atomes). »
Je ne poursuis pas davantage, ces quelques lignes disent plus que toutes autres pourquoi Ariane Dreyfus aura ainsi d’emblée prévenu son lecteur : « A relire ces textes que je ne’oserais appeler « critiques », je réalise à quel point les écritures que je cite et ce que j’écris à leur propos rendent toujours un peu le même son. désormais je m’y résigne : je suis incapable d’écrire sur, je ne sais qu’écrire avec, entrelacer ma voix à d’autres » [31]. Au lecteur d’entrer maintenant dans la ronde de la reconnaissance : en fait il faut / juste marcher d’un pas qui produise / une durée épaisse parmi les autres...
Ilse & Pierre Garnier, Poésie spatiale, une anthologie [32]
préface d’Isabelle Maunet-Saillet
Isabelle Maunet-Saillet, qui a réalisé, pour les éditions Al dante, cette substantielle anthologie (650 pages), la présente ainsi :
Ceci est une anthologie étoilée. Entre nuit et lumière, sous nos yeux qui auscultent et tâtent comme des mains, se forment des poèmes dits spatialistes. Ils constituent à eux seuls un monde spécifique - une matière à sensations, un objet, un espace, un lieu, une énergie, une lumière -, mais les tensions et gravitations littéralistes, les espaces ou battements intervallaires qui les constituent n’en reflètent et n’en explorent pas moins les mouvements de « l’univers tel qu’il est » et « le jeu étrange des rapports que les choses entretiennent » (Novalis).
Dans cette introduction d’une soixantaine de pages, elle nous donne à saisir le mouvement d’une vie partagée en poésie, à en repérer la place dans l’histoire littéraire récente, en évaluer la portée, la fécondité toujours actuelle, en approcher la dimension philosophique ou spirituelle. Cette synthèse est particulièrement convaincante, elle est indispensable pour rassembler, nouer entre elles tant les pages de poésie que les manifestes qui les accompagnent. Et cette préface de se conclure elle-même en forme de manifeste :
« Entre les poèmes spatialistes, il y a, comme entre le ciel et la mer, entre les astres et la terre, entre les lettres et les êtres, entre les mots et les mots, entre les mots, les souffles et les vides, entre les chiffres et les langues, l’infini de la création en tant que béant, en permanent déploiement, en équilibre instable dans ses flux et reflux incessants. Pour une écriture et une lecture illimitées enroulant et déroulant lettres, mots et livres comme des vagues ou des volutes, les empêchant de s’arrêter, de se figer. Pour un présent perpétuel porteur de son passé, de son avenir et de son origine, qui est le temps où le poème s’écrit et ne cesse de se reprendre en se renouvelant à chaque instant, comme « le soleil » d’Héraclite « sans cesse toujours nouveau ». À la recherche d’un point insaisissable où l’on retourne et qui nous retourne sans cesse. Pour la « tension d’un commencement infini » (Rilke) au cœur d’un espace d’intensités et de forces littérales qui, d’un poème et d’un livre à l’autre, n’en finit pas de prendre forme. »
C’est un véritable discours amoureux ! Et il est fondé. Il n’est que de parcourir tant les Textes théoriques (1962/1966), p. 69-247, que les Poèmes (1962/2012) qui en donnent une très juste idée. On trouvera des esprits en alerte à l’égard de la poésie de leur temps (je songe à la Poésie concrète, Augusto de Campos [33]), sans cesse en éveil.
Pierre et Ilse Garnier sont picards [34], aussi ne s’étonnera-t-on pas de trouver des poèmes spatialistes dans cette langue, ainsi des pages sur les ozieux : coulons, teurtreles, et autres turlutes ; les amateurs de jardins verront comme le jardin japonais est ponctué, tandis que l’érotisme spatialiste [35] se révèle avec le Blason du corps féminin par Ilse Garnier.
Ajoutons enfin que dans son introduction, Isabelle Maunet-Saillet, signale divers ouvrages et articles de chercheurs, de ces dix dernières années [36], qui ne manqueront pas d’intéresser les lecteurs qui se seront faits les explorateurs de la poésie, d’une œuvre, qui plus est commune, dont elle aura établi les multiples connexions, dit les riches perspectives et la tenue éthique.
Coda
Il ne sera peut-être pas inutile d’ajouter qu’auront accompagné, sinon inspiré ces choix de lecture quelques textes qui forment eux aussi constellation :
L’expression « Monstre d’innocence » (re)conduisant à :
— Jacques Derrida, « La Veilleuse (“... au livre de lui-même”) », préface à Jacques Trilling, James Joyce ou L’écriture matricide, éditions Circé 2001 (Première parution : Études freudiennes n° 7-8, Avril 1973), lu attentivement par
— Ginette Michaud : « Le vœu d’Ulysse », sur Jacques Trilling, James Joyce ou l’Écriture matricide, précédé de Jacques Derrida, La Veilleuse (" … au livre de lui-même ") , Critique n° 658, mars 2002 [38]. Pour parfaire le tout, relire :
— Jacques Derrida, États d’âme de la psychanalyse [39], et son sous-titre : L’impossible au-delà d’une souveraine cruauté, rédigé en même temps que La Veilleuse, et, last but not least :
— Marcel Proust, Sentiments filiaux d’un parricide, Le Figaro, 1° février 1907 [40].
[1] Pierre Garnier, Le jardin japonais du poète Yu, Tome 2 (2004), in Ilse & Pierre Garnier, La Poésie spatiale, une anthologie, Al dante, 2012, p. 614.
Détaché en haut de la page 614, cet énoncé est précédé, p. 613 de ceux-ci :
de l’incompréhension Xdes rapports Xlointains – inexistants ? - Xentre le chiffre
et le mot - et Yu ajoute : c’est une mission de l’infini et de l’éternité.
Prenez votre gomme !, Xdit l’institutrice, Xet effacez le mot « soleil » - Yu alors
sent la nuit l’envahir.
Je sais, XditX Yu, Xqu’on Xtouche Xla même Xcorde Xen touchant Xle A et le 1 ;
« quelque-chose » m’indique Xque Xje ne me trompe pas, Xque c’est Xla clé de
la poésie.
Rechercher Xce qui vibre Xensemble, dit XYu, Xpar exemple Xle deux et Xl’âme.
Je fais Xdes propositions, Xdit Yu, Xentre les chiffres Xet le sens Xdu titre que je
donne ; je souhaite que quelques régions soient touchées.
[2] Nicole Caligaris, Le paradis entre les jambes, éditions Verticales, 2013.
[4] Lire encore et encore, l’hommage de l’Association Apolis, on rappellera pour ce psychanalyste « ordinaire », qu’il y a d’l’homme ! Voir aussi chez Hermann, La formation des psychanalystes.
[5] Ce terme qui relève de la formation, pointe à n’en pas douter, un différend avec l’autofiction (mode, ajouterait-elle).
[6] Bertrand Leclair, Malentendus, Actes sud, 2013.
[7] Bertrand Leclair, Une guerre sans fin, éditions Maren Sell, 2008,
[8] Héritages, à L’International Visual Theatre, collectif de comédiens sourds dirigé par Emmanuelle Laborit.
[9] On aura lu depuis : Petit éloge de la paternité (2010), L’invraisemblable histoire de Georges Pessant (2010), Les Rouleaux du temps, 2011.
[10] Jacques Derrida, Le Monolinguisme de l’autre, Galilée, 1996.
[11] Ici l’incise d’Anna.
[12] Yves Charnet, La tristesse durera toujours, La Table Ronde, 2013.
[13] Ainsi entre Perrier-menthe et toro de Miura : « La blonde aux cheveux ondulants qui vient de réserver sa chambre au comptoir est très troublante. Tailleur bleu marine, longues jambes bronzées » (169-170).
[14] Je n’ai pas mis d’insistance sur l’écriture, les deux "chantiers" lyrique, et critique de l’auteur, la disent, celle d’un amateur de jazz et de toros, doublé d’un immense lecteur de poésie : des Proses du fils à Miroirs de Julien L., de Baudelaire à Jacques Ancet, en passant par Michel Deguy.
Pour ce qui est d’entendre la voix sous le texte, pas de meilleure ambassade que celle de Michèle Finck, et la page que nous avons retenue, lue à voix haute, fait bien percevoir “la poésie dans la prose”, dont Michèle Finck écrit que : « toujours arrachée à l’expérience et aux hiéroglyphes de l’enfance, c’est d’abord une " lettre " adressée, mais une " lettre " vocale : " écrire ", note-t-il à propos de Jean-Claude Pirotte, " non des livres pour consommateurs, mais des lettres à personne (...) L’amitié, c’est le nom de la littérature quand elle consiste à écrire comme on parlerait à quelqu’un, à écrire des lettres, à écrire des lettres que, en les relisant, un inconnu reliera, peut-être, en une sorte de livre " ».
[15] Michèle Finck, Balbuciendo, éditions Arfuyen, 2012.
[16] Y todos cantos vagan, /de ti me van mil /gracias refiriendo. /Y todos más me llagan, /y déjame muriendo /un no sé qué que quedan balbuciendo.
Cantique spirituel, chant 7 (dans les deux versions) ; traduction de Jacques Ancet (« Chansons entre l’âme et l’époux », Poésie/Gallimard) :
« Et tous ceux-là qui errent /me vont de toi mille grâces évoquant /et tous plus me lacèrent /et me laisse mourante /je ne sais quoi qu’ils vont balbutiant ».
[17] Un site internet personnel, créé de longue date, permet d’en repérer l’essentiel.
[18] Michèle Finck, Giacometti et les poètes : « Si tu veux voir, écoute », Hermann, 2012.
[19] Trois parties : Sur la lame de l’adieu ; Triptyques pour le père mort ; Scansions du noir.
[20] François Lallier a publié aux éditions Poliphile une suite de poèmes qui a ce nom ; il donne sur la page de présentation de celle-ci, un puissant commentaire de Balbuciendo, qui dit la force d’une écoute partagée
[21] Maria Zambrano, « Pourquoi on écrit », texte recueilli par Jean-Michel Maulpoix, traduit par Jean-Marc Sourdillon.
[23] François Rannou est né à Nice. Il participe régulièrement à la revue L’étrangère et co-dirige avec Pierre-Yves Soucy la collection Poiesis aux éditions la Lettre volée. Il a coordonné plusieurs volumes sur André du Bouchet (pour les revues La Rivière échappée & L’étrangère). Parmi ses derniers livres : là-contre, contretemps paradist. Il travaille avec plasticiens et musiciens. Il propose lectures et ateliers. À paraître, aux éditions de La Nerthe, Le livre s’est ouvert.
[25] L’auto-commentaire qui précède le tout évoque d’ailleurs à juste titre Gil Evans, d’une part, mais aussi Webern ; ces noms, comme les inter-textes, à la manière de clés de chacun des "morceaux", disent de la même façon, la dette envers des auteurs révérés : Homère/Jaccottet, Dickinson, Joyce/Du Bouchet, Bernhard, Broch.
[26] Il est à noter que dans la version ebook, deux sections sont lues par l’auteur, avec infiniment de justesse, sans le pathos qui dénaturerait le tulle de l’écriture : la section 1, La maison jaune... (p.8), la section 3, Elle se trouve..., p. 39. On félicitera aussi l’ebook designer, ChapalPanoz.com, de donner à cette version l’élégance qu’elle requiert.
[27] Ariane Dreyfus, La Lampe allumée si souvent dans l’ombre, éditions José Corti, 2013.
[28] Claire Krähenbühl, Les chambres de jour, éditions de l’Aire, 2004.
[29] Cf. Enfants seuls : j’y élis la lecture de Ludovic Degroote - on se souvient : Idéalement, il faudrait qu’écrire un livre, ce soit quand on ne peut plus faire autrement* ; La poésie quand nous la faisons ; Dans le corps des hommes ; le dernier qui aurait pu s’y rattacher Pas à pas, vous deux, relevant d’une attention toute spéciale à Éric Sautou et Stéphane Bouquet.
[30] Stéphane Bouquet, Le mot frère, p. 53.
[31] Ce qui ne se vérifie pas moins lorsqu’Ariane Dreyfus, évoque avec les moyens de la poésie, son admiration, sa reconnaissance pour le plasticien Gérard Schlosser : Nous nous attendons, Le Castor astral, 2012.
[32] Ilse & Pierre Garnier, Poésie spatiale, une anthologie, éditions Al dante, 2012.
[33] Le lecteur intéressé trouvera ressources aux presses du réel avec :
— Les travaux de Jacques Donguy : Poésies expérimentales – Zone numérique (1953-2007)
— Ceux d’Augusto de Campos, Poètemoins – Anthologie. L’anthologie de la poésie brésilienne aux éditions Le Cormier, a été très justement présentée par Éric Brogniet, qui met l’accent sur ce que le poème SOS, appelle de rénovation esthétique et politique aux heures du retour à la démocratie au Brésil.
[34] Lire : Pierre Garnier à Saisseval « Ah ben oui, je suis vraiment picard ! »par Françoise Racine. L’écouter lire des passages de son recueil de poésie "Ech Catieu d’Pinkigni" à la soirée "Pierre Garnier et ses amis picards" du festival picard Ches Wèpes (Les guêpes).
[35] Notre érotisme est énergie et structures, c’est-a-dire physique et esthétique ; il est tourbillons, impulsions, échanges particulaires, ondes, radiations, spatialisé dans tout le corps : c’est l’homme et la femme coextensifs à l’univers - l’homme et la femme dans leurs champs gravitationnels.
C’est la langue, elle-même, coextensive à l’univers ; elle- même dans ses champs de gravitation.
llse et Pierre Garnier, Approches n° 2 : « L’érotisme dans la poésie matérielle », 1966 ; revue dirigée par Julien Blaine et Jean-François Bory.
[36] Citons :
— Tout d’abord, en guise d’ouverture, mots à mots du spatialisme, CRDP d’Amiens ; on y note le nom de :
— Martial Lengellé, auteur d’une thèse sur L’Œuvre poétique de Pierre Garnier, et dont le carnet de recherche donne une bibliographie d’ouvrages et d’articles récents.
[37] Ginette Michaud, Battements du secret littéraire, Lire Jacques Derrida et Hélène Cixous, Hermann, 2010.
Rappelons :
« Comment lire Battements ? ce qui veut dire comment m’a-t-il été donné de lire Battements ? Il me semble pas qu’une lecture linéaire soit la meilleure. Mais aller d’abord là où on est concerné. Ce qui permettra d’entrer en intelligence avec l’amie et de poursuivre. Par exemple, le chapitre II : « Monstre d’innocence : l’infinie pervertibilité de la littérature ». Ginette Michaud trouve l’expression — monstre d’innocence — à la fin de la préface de Jacques Derrida au livre de Jacques Trilling, James Joyce ou l’écriture matricide, et quelques dizaines de pages plus loin, se demande, nous demande, en toute ingénuité, si elle a bien fait en se laissant choisir par ce sujet d’insister à ce point sur la cruauté de l’écriture, et elle se répond, avec Hélène Cixous « tout en ce monde et dans les autres dépend de notre lecture » [Le Jour où je n’étais pas là] ; en effet, comme elle conclut ce chapitre puissant : la pervertibilité innocente de la littérature a bien partie liée avec son pouvoir* ».
[39] Jacques Derrida, États d’âme de la psychanalyse, Galilée 2000
[40] Sentiments filiaux d’un parricide fait l’objet de la lecture constellatoire d’Hélène Cixous, pour la troisième année consécutive, à la Maison Heine.