X-Alta, Jean-Clarence Lambert

20/04/2009 — Jean-Clarence-Lambert, Antonio Segui


Il suffit d’énoncer à voix haute X-Alta pour aussitôt retrouver la locution proverbiale : « Hic Rhodus, hic salta ! », « Rhodes c’est ici : ici, saute donc ! » qui a connu des traductions variées : l’hégélienne : « Ici la rose, ici il faut danser « — rhodon = rose — qu’une poète, Claude Favre a reprise à son compte pour l’un de ses recueils ; la marxienne précise qu’un point de non retour étant atteint, ne reste plus qu’à aller de l’avant. L’idée de bond, de saut dans l’inconnu et de radicalité a sans doute présidé au choix d’X-Alta pour désigner une revue dont Jean-Clarence Lambert a été le compagnon et qui donne lieu aujourd’hui au recueil paraissant sous ce nom aux éditions Galilée avec pour sous-titre continuum poétique 1991-2006. Ajouter pour faire bonne mesure : accompagné de dessins originaux d’Antonio Segui, ce qui n’est nullement anodin lorsque l’on connaît un peu l’histoire de ce peintre et l’allure de ses personnages semblant sortir de la bande dessinée, avec leurs face-à-face sans aménité et leur humour intrigant.

Qui a entendu peu ou prou parler de Cobra, d’Octavio Paz (le feu des mots) de Roger Caillois et peut-être plus rarement d’Erik Lindegren (cf. les poèmes novanciens), aura nécessairement croisé l’œuvre de qui fit vœu de poésie à quinze ans aux funérailles de Paul Valéry. Les amateurs d’art auront quant à eux, eu connaissance des brillantes monographies d’artistes rares (Karel Appel, Paul-J. Revel, Carl-Henning Pedersen et bien d’autres).

Tout se tient sans doute dans un éclectisme du meilleur aloi poursuivi avec détermination du côté d’une poésie liée à de belles et sensibles rencontres de vivants tel Éluard ou d’autres telle Rosalia de Castro dont les images et la musicalité (saudade) exerceront une séduction certaine sur le poète.

Un poème comme A claire-voie, apparaîtra comme une ballade légère en terres « poétiques ». Il ne faut pas s’y tromper. Cette « clairière de l’être » en « pressentiment d’un nouvel inconnu » avec sa « claire énigme répercutée en nous » ne doit pas faire oublier tout ce qui s’y oppose, et que déploie par exemple une Anti légende du siècle et son « Dollars de tous les pays, unissez vous ! » rappelé par « C’est la vente d’armes aux pays pauvres et le safari-photo » une suite d’imprécations aussi rageuses que les diatribes d’Ububaj en Suisse qui fut à l’époque très mal accueilli, ainsi que le précise l’auteur dans de substantiels notes et commentaires (17 pages) qui instruisent -en postface- heureusement ce continuum dans sa diversité. Il semble que le terme d’aimance dû à Abdellatif Khatibi (voir le recueil de ce nom aux éditions Al Manar) en donne la direction, l’axe.

La notation de ce poème de cour de Dame Izumi Shikibu, comme pour en attester :

Il n’existe pas de couleur nommée Amour,

Cependant notre corps s’en imprègne 

      en profondeur
.

J’ai le sentiment, que c’est au fond, le seul sujet dont s’approche le poète dans la diversité de ses aimances, qu’elles soient d’ordre pictural, musical ou langage de poésie, que celle-ci se rapporte à la Suède, au Mexique, aussi bien qu’à la Berbérie (Ayn) ou rappelle le Canzoniere.

Qui a lu la présentation : « Dotremont alias Logogus », en ouverture de Grand Hôtel des valises (Locataire Dotremont) aux éditions Galilée en 1981 ne pourra me démentir, et éprouvera dans ce « continuum » la fidélité au vœu de poésie [1].

© Ronald Klapka _ 20 avril 2009

[1Note primitivement accueillie par Poezibao.