Valère Novarina l’affirme : le théâtre est une forme incandescente de la lecture

17/02/2006 — Valère Novarina, Christian Prigent, François Bon


Entrée au répertoire de la Comédie Française avec L’Espace furieux. Au surplus, un CD, un DVD et toujours chez POL : Lumières du corps.


La phrase-titre appartient à ce dernier livre. Novarina ajoute :

« Nous sommes venus voir brûler ensemble corps et langage. C’est un lieu focal et comme un creuset. Mais c’est aussi sur le drame de la matière que le rideau s’ouvre - et pas seulement sur des histoires humaines comme on croit ».

C’est au fragment 106, sur les 421 qu’il comporte. C’est que « La manipulation des chiffres ouvre au surnaturel » (p.18 [1] ). On le dira, c’est entendu, pour ces 287 définitions du nom de Dieu dans la scène XXXV de La chair de l’homme, qu’un CD audio Au dieu inconnu permet de découvrir par la voix de Laurence Mayor [2].

Juste (de) mentionner Rupert de Deutz [3] et pour notre propre compte (ne nous refusons rien) Jean-Joseph Surin [4], mais libre à vous de préférer Grégoire de Nysse, Gainsbourg, Sade ou Tristan Tzara [5] !

Sur l’agenda des éditions POL, donc : du 21 janvier à mai 2006, L’Espace furieux de et mis en scène par Valère Novarina entre au répertoire de la Comédie-Française.

A cette occasion, l’émission « Tire ta langue », de France-Culture, préparée par Antoine Perraud a reçu Valère Novarina.

Les aphorismes de Lumière du corps - on aimerait les citer sans fin - parcourent l’émission ponctuée par quatre moments de lecture de textes célèbres (Rousseau, Madame Guyon, Rabelais, Mallarmé) par Dominique Rémond avec pour l’un d’eux [6]- felix culpa, une attribution fautive au tiers livre - le verbe tumultuer et la consultation de l’expert - donnant de relire les préfaces de François Bon au grand traverseur des voies périlleuses qui sont loin d’avoir pris quelque ride.

La pièce Le babil des classes dangereuses, n’a rien perdu de sa verdeur. Et de rappeler la rencontre de Valère Novarina et de Christian Prigent en 1974, et la publication d’un certain nombre de textes dans TXT.

Dans le très riche théâtres du verbe (José Corti, 2001, collection Essais) [7], sous la direction d’Alain Berset, Christian Prigent ouvre le bal avec une contribution qu’il a particulièrement augmentée pour son recueil "L’incontenable" (pp. 205-224) : la langue contre les idoles. Quoi de plus juste ? [8]

Les éditions POL proposent en DVD (avec un carnet de scène), La Scène, initiative qui élargira le nombre des "spectateurs", permettra des "relectures" attentives, informées. Puisse le livre y miroiter, cf. fragment 103 de Lumières du corps :

« Dans une salle de théâtre, le texte résonne chaque jour autrement : on y entend des scènes autres ; le livre miroite ; il change chaque fois comme une forêt revisitée. Le drame du langage nous emporte toujours plus loin dans l’espace discontinu. »

© Ronald Klapka _ 17 février 2006

[1Voir, par exemple, les 2587 personnages du Drame de la vie

[2suivi de Sauve qui peut, une scène de L’Origine rouge, par Daniel Znyk

[3Quod omnis qui sacrae Scripturae studiis accintus incumbit, sensum Verbi Dei tenere contendens, instar Jacob cum deo luctetur.
c’est à dire : Tous ceux qui lisent avec attention les saintes Ecritures et s’efforcent de comprendre la¨Parole de Dieu luttent avec Dieu comme Jacob avec l’Ange.

[4Jean-Joseph Surin soupire qu’il est l’amour purifiant, l’amour illuminant, l’amour opérant, l’amour languissant, l’amour foudroyant, l’amour blessant, l’amour régnant, l’amour enivrant, l’amour brûlant, l’amour crucifiant, l’amour transformant, l’amour triomphant, l’amour consumant. Sur J-J. Surin, voir chez Jérôme Millon.

[5Il est précisé que Jean-Luc Marion (celui-ci dit que « Dieu se révélant comme père, s’avance dans son retrait ») fut consulté à l’effet d’écrire cette énumération, dans laquelle les escholiers trouveront matière à l’usage adéquat de la synonymie (dit, prétend, soutient, suggère, déclare, susurre, marmonne etc.) mieux que dans n’importe quel dictionnaire spécialisé.

[6Soubdain la mer commença s’enfler et tumultuer du bas abysme ; les fortes vagues batre les flans de nos vaisseaulx ; le maistral, accompaigné d’un cole effrené, de noires gruppades, de terribles sions, de mortelles bourrasques, siffler à travers nos antemnes.

pour la suite, sur site bnf

[7Quel sommaire ! on ne peut tous les citer, mais émotion à la lecture de Cymbalum mundi - Jean-Noël Vuarnet communiqua, fit passer les ouvrages de Madame Guyon, s’émut devant la peinture La parturition du père

[8Et de citer Notre parole, texte donné à Libération en 1998, repris dans Le théâtre des paroles : Français linéaire B, petite langue française de la radio, qui est comme une petite bourgeoise qui s’étrique, un pauvre petit idiome laïc, un esperanto de plus en plus étroit ; une langue qui perd au moins un son par jour, une langue de dictée, une langue pour des sourds, une langue de sondés