« que » les faits

07/11/10 — Marcel Cohen avec Nathalie Quintane, Pierre Bergounioux, Maryline Desbiolles


Ainsi, seul existe vraiment ce à quoi nous parvenons à donner une forme. Et nous n’existons nous-mêmes que par la forme que nous parvenons à donner à notre existence, que nous écrivions ou non. C’est pourquoi, dire que l’on n’a rien à dire, c’est encore dire quelque chose. Et ce n’est pas nécessairement un message vain.
Marcel Cohen [1]

Ce versant nocturne de la parole, on pourrait l’appeler l’obsession. Un faussaire peut imiter le geste du peintre ou le style d’un écrivain, et rendre imperceptible leur différence, mais il ne pourra jamais faire sienne leur obsession, ce qui les oblige à revenir sans cesse vers ce silence où sont scellées les premières empreintes.
Anne Dufourmantelle [2]

Mais entre « faire court », comme le demandent les rédacteurs en chef, et la concision, il y a un univers.
Marcel Cohen [3]


Dans une lettre du 24 décembre 1994 à Françoise Quardon [4], Marcel Cohen écrit :

« C’est dans la remontée que se situe l’œuvre. Dans l’arrachement aux profondeurs, lorsqu’elle ne prétend ni refléter « le trou » ni nier non plus la chance, le bonheur, de l’arrachement. Elle n’est jamais « que » le souvenir. Et ce « que » aussi est terrible. Mais au moins est-il juste. »

Ce « que » m’est devenu presque signalétique de l’oeuvre de Marcel Cohen.
On le rencontrera dans l’une de ses présentations de l’oeuvre d’Antonio Saura :

« Terreur ou fascination du silence ? Les deux bien sûr. Crainte de ne plus être en mesure de desserrer l’étau, de ne pas être à la hauteur du geste qui s’imposera ni d’atteindre à la pureté qu’il mérite, mais aussi conscience que la toile ne vaudra, précisément, que par cette confrontation avec le vide. Nécessité de peindre pour exister et, en même temps, refus d’une existence qui se fige au point de n’être plus à jamais « que » cette trace sur la toile. En somme, la chance de nous toucher, pour une toile, se confondrait presque avec le risque de ne pas voir le jour dès que l’exigence est un peu élevée et qu’est balayée l’idée d’un marché qu’il faut fournir. » [5]

Ainsi toujours procède :

Faits III, suite et fin

L’ouvrage depuis peu est en librairie, et je voudrais ajouter quelques mots, indications, propos de lecteur à ceux, récents de Patrick Kéchichian, dans le journal La Croix [6] : Marcel Cohen prend sur le fait la fragilité de l’homme. Avec ce « chapeau » : À partir d’une observation, d’un événement minuscule, d’un fragment de vie, l’écrivain médite sur notre rapport à la réalité.

Je ne sais si le fait rapporté ci-après est des plus connus ; c’est par lui, dans le dossier Maurice Blanchot de la Revue des Sciences Humaines [7] que m’a été donnée tout d’un coup connaissance de l’écrivain Marcel Cohen. Voici les faits : un carton d’invitation, un écrivain qui ne paraît pas en public, un ami qui le sait ; au lieu de cocher une case (assistera/n’assistera pas), un mot d’écrivain, adressé ; la présence d’esprit d’une secrétaire, un ami qui le dit à son ami, et tout un pan de l’histoire personnelle de Blanchot (de l’ami, de l’ami de l’ami et donc de la nôtre) qui s’inscrit dans ces quelques mots ainsi parvenus jusqu’à nous :

« Avec mon extrême regret de ne pouvoir être là pour exprimer mon amitié à Edmond Jabès, ainsi que ma reconnaissance au judaïsme auquel, par l’entremise d’Emmanuel Lévinas, je dois tant. » [8]

C’est un fait que j’ai été impressionné par ce que — parce que depuis — j’ai lu alors. Pas une anecdote, rien qu’un fait. C’est un fait aussi que, ornière mentale, je situai alors l’auteur dans la cohorte des éminents critiques rendant hommage à Maurice Blanchot. C’est que, grand débutant, il me fallait encore apprendre à lire.

Ce fut donc chose faite avec la parution du premier tome de Faits (Lecture courante à l’usage des grands débutants) [9] : le subliminal de naguère, se déployait à l’évidence : une écriture, un style. J’étais pris, de fait. Et de persévérer.

Je relève dans l’article de Patrick Kéchichian, en ce qui concerne le troisième et dernier volume de Faits  : « une fin décrétée par l’auteur, qui veut peut-être conjurer la menace du procédé ». Je n’aurai garde d’en dire davantage, me permettant juste, comme sur la pointe des pieds, d’aiguiller le lecteur vers le récit XXXV, qui débute ainsi : « Un homme explique avec gêne comment, seul dans une maison de campagne où il s’était retranché pour terminer un article promis de longue date à une revue, il avait été frappé d’une paralysie insurmontable. » et se termine 14 pages plus loin : « Mais tout cela n’avait rien à voir avec le sujet qu’il avait à traiter et personne n’attendait de lui des considérations aussi oiseuses sur les jardins de son enfance. Le lendemain, l’homme décida de rentrer à Paris : après tout, rien ne l’empêchait, cette fois encore, de repousser le moment de remettre son texte. »

Alors je ne vous ferai pas de considérations oiseuses sur les bottes en cuir rouge de Joë Bousquet, pas plus que d’interrogations sur la photographie de guerre, certaines statistiques, un carnet d’André du Bouchet, j’étirerai peut-être la K. 540 d’Horowitz à Claudio Arrau ? Mais plus que tout autre adresserai-je le signe d’Evy. Il y a ainsi 67 « faits » relatés, de longueur, de « sujets » et de contextes variés ; les exergues précédents convoquaient Benjamin, non pas dire mais montrer, Kafka et son patineur débutant, cette fois c’est La folie du jour qui vient éclairer un ensemble qu’habite souvent une sourde mélancolie [10], parfois une puissante ironie, et de nombreux éclats de poésie, et toujours amitié pour le lecteur, souci de l’amener vers ce qui pourrait requalifier l’existence [11].

Dans les travaux critiques réunis dans les revues Europe et le Préau des collines, tous excellents [12] j’ai plus particulièrement relevé l’étude de Beate Bengard (plus développée dans Europe), sur l’écriture flâneuse, le recours à l’image dialectique [13] chère à Benjamin, toute une pédagogie qu’exemplifie l’herméneutique du récit CII de Faits (évocation de l’enfance de Menuhin surprise à la radio). C’est terriblement intelligent.
Ceux qui lisent l’anglais diront la même chose de Ever-Present Absence [14], dans lequel John Taylor nous apprend que c’est Cid Corman qui traduisit Le Grand Paon-de-nuit (The peacok Emperor Moth). Je prends, concernant les premiers livres :

« With no fanfare and with admirable persistence, Marcel Cohen has produced some of the most innovative and arresting short prose in contemporary French literature. His tetralogy (Mirrors [15], Je ne sais pas le nom, The Peacock Emperor Moth and Assassinat d’un garde [16] has already established the importance and urgency of bis deep-reaching humanism — a paradoxical humanism in that the author insists that "human beings," as he puts it, "have lost all control over their destiny in our contemporary world." »

In other words :

« Certes, dans les vieilles démocraties occidentales comme la nôtre toutes les apparences sont là pour nous persuader que nos déterminations intérieures sont tout, comme c’était le cas pour un personnage de Proust. Ce n’est, le plus souvent qu’une illusion d’optique. Et où, ailleurs dans le monde, est-on libre de son destin ? En Afrique, en Asie, en Amérique latine ? En Europe même, les licenciés des grandes multinationales sont-ils libres de quoi que ce soit ? Et leur psychologie, leur histoire personnelle, leurs motivations intérieures ont-elles la moindre incidence sur leur destin ? Elles n’avaient déjà aucune incidence sur le destin des combattants de Verdun ou du Chemin des Dames. » [17]

Nathalie Quintane, Tomates

Les Tomates [18] de Nathalie Quintane me tendent (lancent) quelques perches.
Lire est un fait.

Par exemple Marcel Cohen :

« Parmi mes lectures récentes, l’un des livres qui m’a le plus étonné est un texte de 150 pages dans lequel l’auteur, Nathalie Quintane, une très jeune femme, ne parle que de chaussures. Son livre s’appelle d’ailleurs Chaussure et le prière d’insérer prévient : « Chaussure n’est pas un livre qui, sous couvert de chaussure, parle de bateaux, de boudin, de darwinisme, ou de nos amours enfantines. Chaussure parle vraiment de chaussure ». [19]
Précisément, comment se fait-il qu’en 1997 une jeune femme ait décidé, très lucidement, de ne parler que de chaussures plutôt que de ses amours enfantines ? » [20]

Donc, comment se fait-il, qu’en 2010, la même déclare, c’est en quatrième et à la page 46 :
« En tant qu’enseignante, j’étais satisfaite.
En tant qu’écrivain, je rechignai(s) pour la forme.
En tant que rien de spécial, je pensai(s) pan dans les dents. » [21]

En tant que rien du tout, je ne m’interroge pas (pour la forme) sur le passage du passé simple à l’imparfait en ce qui concerne les deux dernières phrases (prétérit et prétérition). Au passage, on pourra aussi remarquer que pan dans les dents n’est pas en italiques p. 46. Un coup de Tarnac ? [22] Je ne me sens plus en sécurité (linguistique), c’est que je n’écoute pas Europe 1, attendant que vienne futur simple (galope petit cheval !), diérèse lyrique et pensée construite (et de lire fissa les Jumelles d’Alferi, et de reprendre un coup d’Éternité par les astres chez François Bon [23] ).

Donc un livre pour lire en fait [24].

A l’alacrité, se mêle à chaque coin de ligne ou de phrase, la relance de la réflexion, la nécessaire ouverture des yeux, des oreilles à ce qui se trame quotidiennement de régression de la liberté de penser, de dire. Et Ponge vient - « qui a dû en lire un paquet de proses scientifiques » ! [25], celui certes d’une possible description goûtue des solanacées (il aurait peut-être marié la coeur-de-boeuf au Fort du Taureau, je préfère celle, couillue, de l’épilogue et du précontentement qu’elle offre au lecteur), mais surtout celui qui appelle à l’insurrection consistant à parler contre les paroles, et c’est pourquoi ce livre est un livre éveilleur, appelant « à débattre en interne sous les yeux des autres » en ouvrant toutes sortes de fenêtres : notes [26], épilogues, annexes, citations, échange de lettres (avec Jean-Paul Curnier (à propos de « la disparition du peuple » [27] ), avec Pierre Alferi (sur la Fin du roman (Les Jumelles [28] ) etc. et tout cela sans étourdir jamais.

Marie Depussé indique, dans sa présentation sur le site de son éditeur [29], née le..., vivante, jusqu’à ce jour.

Bref par son format, le livre de Nathalie Quintane est plein de vivencia — ces Tomates de jus —, il n’a pas fini d’en communiquer, un livre peut avoir encore aujourd’hui un autre usage qu’hédoniste ou scolaire : bingo !

Pierre Bergounioux, Le baiser de sorcière ; Le récit absent

Les lecteurs de B-17 G [30] ne manqueront pas de reconnaître dans Le baiser de la sorcière, aux éditions Argol [31], comme sa version terrestre. Cette fois encore, un équipage de jeunes gens, invraisemblablement jeunes, ici emmenés par un chef de char, Ivan, de 18 ans, à l’assaut, en mai 1945, du Berlin qui ne veut pas se rendre (Nie kapitulieren, Berlin bleibt deutsch) sans avoir infligé le maximum de pertes à son adversaire, quels que soient les moyens, ainsi :

« Les Allemands, les troupes régulières mais aussi les enfants, les vieillards, même les femmes du Volkssturm, ont reçu des lance-fusées - Panzerfaust - capables de percer quinze centimètres d’acier, à courte distance. Ça ressemble à une grosse poire fichée à l’extrémité d’un tuyau. : l’explosif a été moulé de façon à laisser, à l’avant, un vide conique. Au lieu de se disperser en tous sens, les gaz incandescents se concentrent sur un espace réduit - une pièce de dix kopecks. Ils traversent le blindage comme du beurre et se répandent de l’autre côté. Dehors, c’est peu de chose. On dirait qu’une bouche aux lèvres noires a déposé un baiser sur l’acier, dardé une fine langue brûlante. »

C’est bien sûr « le baiser de sorcière », car est-il précisé :

« Mais dedans, tout a été consumé, l’équipage carbonisé ».

On aura reconnu l’écriture, précise, incroyablement documentée, de cet exode en JS2 (nom de cette version de char "Joseph Staline", la photographie de couverture en "immortalise" le 103) de jeunes hommes partis de "Tankograd" à l’assaut de la capitale dévastée du Reich, « le repaire de la bête fasciste », comme si nous y étions. C’est un récit dur, poignant même, d’une page de l’apocalypse européenne. Voyez la gravité de cette page, de tout ce qui la sous-tend :

« Un commissaire politique se hisse à son tour sur le capot du moteur, visage osseux, méridional, sous la grande casquette galonnée de rouge, un Géorgien ou un Arménien. Un peu de soleil tombe sur la scène. Un parfum de terre émue, de verdure neuve, se mêle aux remugles de graisse et de mazout de métal, des chars. Les deux hommes, sur le « Sovkhoze de Semiopalatinsk », laissent passer un essaim de Chtourmovik dont les ombres portées glissent à quatre cent cinquante kilomètres à l’heure, en lame de faux, sur les hommes au garde-à-vous puis le commissaire politique prend la parole, d’une voix caverneuse qui va avec les traits anguleux, les orbites profondes, les noirs sourcils, et qui porte, pourtant. Il parle sans pathos, par phrases courtes. L’instant est tel qu’il donnerait du relief à n’importe quels mots. Et c’est ce que dit l’Arménien - Ivan l’a identifié à son accent -, que cet instant est historique, les discours superflus. Il est l’aboutissement des sacrifices et des efforts consentis par le peuple soviétique, guidé par le génial Camarade Staline. »

Magnifique et funèbre, c’est à l’instar de B-17 G, un tombeau, dont Pierre Bergounioux aura voulu peut-être donner le récit absent.

Lorsque l’on prend le livre tête-bêche, on découvre en effet « une explication » qui porte ce nom, comme si l’auteur endeuillé à jamais du rêve d’égalité, dont il était apparu à une certaine heure de l’histoire (le chaos de l’automne 1917, [32]) que c’était « le moment » (p. 18). Celui où Uljanov, Lénine désormais, écrivit au comité central du PSDOR, une lettre dont les derniers mots sont qu’on ne saurait demeurer fidèle au marxisme « si l’on n’élève pas l’insurrection à la hauteur d’un art » (19).

On sait la suite. L’essai, étoffé, reprend un certain nombre de thèmes chers à Pierre Bergounioux, sur le roman, mort, avec Flaubert, la manière dont Proust, Kafka, Joyce s’y prennent pour faire avec cette réalité, comment survient en un lieu improbable, un certain William Faulkner, qui s’il n’a pas à dédier son oeuvre à Béria ou Jdanov, peut acculer son éditeur à la faillite, et être réduit, lui, à la famine, surtout s’il se mêle d’écrire Sanctuaire.

Les fidèles de l’oeuvre de Pierre Bergounioux retrouveront son style fiévreux, emporté, ses perspectives cavalières, et si sourdent ce qu’il faut bien appeler désenchantement, mélancolie, l’écriture, étincelante, apporte un déni à l’abattement, le feu couve encore.

Maryline Desbiolles, Je vais faire un tour ; Une femme drôle

« On trouve souvent, dans la phrase de Maryline Desbiolles, la matérialité d’une sculpture, la lumière d’un tableau, la musicalité d’une pièce sonore. Comme si le monde réel ne pouvait se découvrir que par le prisme de l’art sous toutes ces formes. Comme si l’histoire personnelle ne pouvait se comprendre que par le détour de l’écriture. Comme si la vérité ne pouvait surgir, en somme, que dans l’acte poétique. »

Augustin Trapenard (Magazine littéraire) écrit cela, très exactement, sur un dépliant des Rencontres littéraires de Savoie, organisées par la fondation Facim [33], dont Maryline Desbiolles a été l’invitée cette année, après Valère Novarina et Georges-Arthur Goldschmidt.

Ce qui nous vaut d’« aller faire un tour » dans les pages du livre composé pour la circonstance, dont on pourra qualifier la teneur d’écriture en marche comme ailleurs on parle de récit en rêve. Des pages de journal (de janvier à mai 2010), pas d’anecdotes cependant [34], mais ces éclats de poésie, tels que les repère la citation initiale. Ainsi la fabrique du pré (cours-y vite) livre des bonheurs d’expression, dont la liste des acteurs est rappelée in fine. On aimera y retrouver Gustave Roud (et son « bûcheron de mars »), un renard filant comme une phrase de James Sacré [35], mots qui rusent [36], parfois un paysage "théo-logique" parfaitement constitué : « Veille de Pâques. Il fait gris, il pleuviote, presque froid, le printemps est suspendu. » qui peut voisiner, dans la page, avec Une sale histoire. C’est donc, malgré sa brièveté, donc grâce à sa concision, un livre riche d’amitié, de sensations, mais tout juste suggérées (et on marche), avec même son générique de fin, façon Walser, mais dans la neige, l’auteure s’éloigne, debout !

Quant à la « femme drôle », la couverture du livre [37] annonce la Dame à l’écureuil et à l’étourneau de Holbein. Mais, lecteur il te faudra attendre le troisième acte, de ce livre pour faire le lien avec celle dont le nom de scène déboule d’emblée : Zouc !

Il te faudra donc d’abord passer par « L’arrière-scène » ses préparatifs, ses ressouvenirs (histoire familiale recroisant Grande Histoire), puis avec l’auteur-régisseur mettre au point la conduite lumière. Mais tout s’intrique et dès le début, l’on savait que la tautologie est imbécile, et plus particulièrement celle-là : une femme est une femme, ce qu’incarne, antiphrase vivante : Zouc n’est pas Zouc, comme à "l’asile" : « le moyen de ne pas se faire prendre est de se métamorphoser de son propre chef, sans attirail, sans rien qui dépasse dont on puisse se saisir. Être soi-même et jamais soi-même. »
Avec ces viatiques, on peut se faufiler à l’aise dans le livre en habit d’écriture.

Georges Haldas, qui vient de nous quitter, nous a laissé à jamais une expression qu’il n’avait de cesse de partager : "l’état de poésie" [38].

Avec Zouc, avec Maryline Desbiolles, nous y sommes. Asseyons-nous à côté de Zouc, avec elle, devenons elle qui écrit :

« Et je comprends que pour écrire il me faut renoncer à être première de la classe, il me faut renoncer à être aimée de mon maître. Pas du tout pour être un cancre qui obéit à la même loi que le premier de la classe. À la loi de la langue, je ne renonce pas. Mais plus exactement je comprends que la connaissance de la langue ne sert pas à être première de la classe, que la connaissance de la langue ne me met pas du côté des gagnants, que la connaissance de la langue ne sert à rien, que rien est ma vocation ».

Où veux-je en venir ? là, quand on a fini (provisoirement) de faire le tour :

« Tout à l’heure je montrais à ma fille une revue dont je m’étais chargée. En exergue du n° 2 d’avril 1990, j’avais choisi d’Alberto Giacometti :
« Quelque chose d’inconnu/chaque jour /dans le même visage »
Le même souci, déjà. Oui, bien sûr, le même. Rien n’a changé, vraiment ? rien n’est arrivé ? Ou peut-être une chose importante pour moi : je peux toucher du doigt que depuis tout ce temps, je n’ai pas renoncé. » [39]

Et c’est pourquoi, « Zouc n’est pas une humoriste, n’est pas une comique, Zouc n’est pas Annette, Zouc n’est pas Billie Holiday, Zouc n’est pas moi, n’est pas ma grand-mère, n’est pas ma mère, Zouc n’est pas un garçon manqué, n’est pas une fille manquée, une femme n’est pas une femme, Zouc n’est pas Zouc, mais l’étourneau du tableau peut-être bien. » (pp. 72-73)

J’entends Zouc dire : « J’comprends ! »

© Ronald Klapka _ 7 novembre 2010

[1Marcel Cohen, Notes, revue Le préau des collines n° 7, octobre 2005, p. 84. Substantielles, ces notes (pp. 67-86), ont été rédigées pour une conférence prononcée à Dunkerque, le 19 mars 1998, devant les étudiants de l’École régionale des Beaux-Arts.

[2Ceci est précédé de :

« Un acte d’hospitalité ne peut être que poétique. » Jacques Derrida

C’est l’hospitalité poétique de Derrida que je voudrais évoquer dans ces pages, avec la difficulté qui est de faire part à la nuit, à ce qui dans une pensée philosophique n’appartient pas à l’ordre du jour, du visible et de la mémoire. C’est tenter d’approcher un silence autour duquel le discours s’ordonne, et que le poème quelquefois découvre, mais qui toujours, dans le mouvement même de la parole ou de l’écriture, se soustrait au dévoilement. Si une part de nuit s’inscrit dans le langage, - elle en est aussi le moment d’effacement. [...]
et plus loin suivi de :
Quand Derrida lit Sophocle, Joyce, Kant, Heidegger, Celan, Lévinas, Blanchot ou Kafka, il n’accompagne pas seulement leurs textes en les portant à une résonance seconde, il les « obsède » du thème sur lequel il travaille, et qui agit dès lors à la manière d’un révélateur photographique.
Anne Dufourmantelle invite Jacques Derrida à répondre De l’hospitalité, Calmann-Lévy, 1997.

Avec Marie-Jeanne Zenetti, précisons la place de ce silence :

Ce vertige de la dissolution de la présence est aussi celui d’un vide de parole. Le silence apparaît comme un obstacle toujours présent, et qui, comme le mur, exerce une constante fascination. Qu’il évoque la performance de l’artiste Gina Pane, « projet du silence » celle de Chris Burden enfermé sans un mot dans un casier de vestiaire, ou encore les tableaux d’Antonio Saura, Marcel Cohen semble nous dire que l’art a partie liée avec le silence. « Je ne voulais pas écrire. Six millions de morts, c’était trop de silence jusque dans les clameurs. », écrit le narrateur de Miroirs. Son écriture semble tenter de répondre à ce silence sans le trahir, dans ce paradoxe d’une parole s’écrivant face au vide et contre lui, mais sans chercher à le combler. Se faisant parole vide, évidée, elle désigne une absence et s’en fait l’écho.
Extrait de Un vide de parole, revue Le préau des collines n° 7, op. laud. p. 29.

[3Marcel Cohen, L’économie du chaos, entretien avec Thierry Romagné, Europe, 961, mai 2009, Dossier Marcel Cohen, p. 183.

[4Cette lettre commençait ainsi :
« La fleur cachant le trou de ta blouse d’écolière, les fenêtres éclairées désignant la perte du jour, cet « abandon » qui fait pousser les fleurs : tout cela m’avait frappé par sa justesse à Valence tandis que tu t’exprimais devant les étudiants. Mais c’est aussi parce que des œuvres naissent « en dépit » de ce vide que je me sens si souvent mal à l’aise. Ce n’est pas du tout parce que la fleur cache le vide, comme tu le dis si bien, et qu’elle le désigne donc sans le nommer. C’est, au contraire, parce que bien des œuvres prétendent exprimer ce vide et qu’elles le clament même.
Or il n’est pas vrai qu’une oeuvre puisse représenter le malheur. Sculpter, peindre, écrire sont un bonheur. Le malheur, c’est ce qui n’a pas de forme, pas de mots. C’est ce qui est condamné à ne jamais les trouver. C’est ce qui ôte jusqu’à l’envie de dire. »
Elle venait en postface de :
Françoise Quardon, Marcel Cohen (Organiser), École Régionale des Beaux-Arts de Valence, 1995. De cet ouvrage il nous est précisé que « seul le pêle-mêle de l’amitié en dicte la cohésion », ce qui explique la mise entre parenthèses du mot d’ordre. On y trouve donc des photographies d’installations de Françoise Quardon, assorties de commentaires, et des textes de Marcel Cohen.

[5Ce texte, fait partie de Quelques faces visibles du silence, publié dans le catalogue de la galerie Stadler en février 1979. Suit ce paragraphe : “C’est bien le miracle d’une naissance si hasardeuse qui nous fascine tant quand les forces contradictoires qui en sont le fondement transparaissent encore sur le tableau. « L’image est bonheur, écrit Maurice Blanchot, mais, près d’elle, le néant séjourne, à sa limite il apparaît et toute la puissance de l’image tirée de l’abîme en quoi elle se fonde ne peut s’exprimer qu’en lui faisant appel. »”. Antonio Saura n’avait alors plus exposé depuis dix ans. Ce texte, ainsi que Visages et La semaine commence mal, dans Antonio Saura, sous la direction de Gérard de Cortanze, aux éditions de La Différence, en 1994.
L’amitié entre Marcel Cohen et Antonio Saura est célébrée dans Les "Letras a un pintor", texte bilingue judéo -espagnol (djudyo), aux éditions de L’Échoppe, 1997, extraits en ligne (La Pensée de midi, 2001) et écho dans la lettre du 13 novembre 2009.
Je mentionne, par dilection spéciale pour cette peinture, les livres de

— Guy Scarpetta, Les paradoxes d’Antonio Saura (Musées de Chateauroux et Editions Cercle d’art, dont un entretien, «  Antonio Saura, des milliers de décisions à la seconde », et des extraits dun porte-folio érotique : « L’odeur de Sainteté »

— Julian Rios, Portraits d’Antonio Saura, avec un cahier de dessins originaux, aux éditions José Corti, coll. Ibériques, 1998.

[6La Croix - livres du 27/10/2010.
Les lecteurs du Monde des livres, et de Marcel Cohen n’auront pas été sans remarquer la fidèle attention que le critique aura heureusement portée à l’auteur, eu égard à la discrétion de ce dernier.

[7Revue des sciences humaines, n° 253, 1/1999, dossier Maurice Blanchot, textes réunis par Roger Laporte.
Le texte de Marcel Cohen, Sur une invitation, aux pages 183-186. Avec cette phrase-boussole : « Il n’y a pas de circonstances atténuantes à n’être qu’un homme. »

[8S’il en fallait une trace, il ne serait que de se reporter par exemple, pour prendre une publication récente, Grâce (soit rendue) à Jacques Derrida**, aux pages 449 à 457, de La condition critique, articles 1945-1998, textes réunis par Christophe Bident aux éditions Gallimard ; il est évidemment bien d’autres (telle « Nous travaillons dans les ténèbres »***, ou encore « Le trouble de penser », etc. ; cette note ayant la vertu supplémentaire d’évoquer une parution précieuse entre toutes où des textes qui n’ont pas été repris en livres n’en avivent pas moins le portrait de l’homme, de l’écrivain dans son époque.

** Méditation sur le dédoublement de la Thora, où le texte écrit en lettres invisibles (feu blanc) se donne à lire (après coup) dans l’oralité, feu noir qui dessine les consonnes et ponctue les voyelles. Et qui se clôt par : « mais la disparition de l’auteur, donne encore plus de nécessité à l’enseignement, écriture (trace avant tout texte) et parole, parole dans l’écriture [...] qui nous sollicite d’aller vers les autres, dans le souci du lointain et du proche, sans qu’il nous soit donné de savoir que c’est d’abord le seul chemin vers l’infini ».

*** Citant ce texte (Le Monde des livres du 29/09/10), Didier Cahen rappelle : « Écrire est certes un travail, mais parfaitement déraisonnable, qui ne demande rien, ne se justifie pas et que nulle récompense ne saurait satisfaire. Écrire : une exigence singulière (appelons-la bizarre), plus éthique qu’esthétique, puisqu’elle répond à un « il faut » sans obligation ni sanction.
C’est encore à notre vieux maître Henry James qu’il serait peut-être le plus juste d’en appeler pour dire l’étrangeté de cette exigence, telle que ni gloire, ni renommée, ni popularité ne peuvent y avoir part.
« Nous travaillons dans les ténèbres - nous faisons ce que nous pouvons, - nous donnons ce que nous avons. Notre doute est notre passion, et notre passion notre tâche. Le reste est la folie de l’art » (« La Folie d’écrire »). » (v. recension)

Puisqu’il en est appelé à Henry James, je pointe cette contribution recueillie autrefois pour l’ancien remue.net, tant qu’elle est en ligne, et qui figure dans la RSH : « Un accent de vérité », par Pierre Alferi.

Quant à Edmond Jabès, il est recommandé de savourer les Dix anamnèses de Marcel Cohen dans le dossier consacré au poète, par la revue Europe, n° 954, octobre 2008, pp. 268-275.

[9Cette fois, anecdote pure, mais c’est un fait aussi, j’en possède deux exemplaires, croyant avoir égaré l’un dans un déménagement... Il y a des livres auxquels on tient, et la formule dans certaines circonstances n’est aucunement à prendre "à la légère".

[10La façon dont, dès l’ouverture du livre, la montre Doxa qui appartint à Paul Celan, exclut d’emblée la "montre", ce sens perverti de la doxa, rappelle quels sont pour l’auteur les enjeux de la littérature.

[11D’aucuns, je pense à Nancy (Noli me tangere), à Deguy (cf. le chapitre qui lui est consacré par Cardonne-Arlyck), pourrraient trouver à l’écriture de Faits, une dimension parabolique (Un homme avait deux fils ... etc.), à côté d’un « sens » tout fait (un début, un milieu, une fin), une trouée poétique renvoyant au silence de la création, au silence dont celle-ci procède.

[12Mention particulière pour l’article de Jean Frémon, Enfance d’un homme, qui lève le voile sur les aspects de la biographie de Marcel Cohen, que le lecteur qui le découvre aura d’ailleurs pressentis, et qui font précisément que très tôt l’auteur s’est vu dépossédé de sa biographie, ce qui fera aussi saisir pourquoi les personnages des récits sont souvent des voix, des anonymes, et qu’est évacué tout pathos.

[13On notera la présence de l’absence dans Faits II, avec un texte donné dans la revue Nu(e) n° 39, en hommage à Esther Tellermann, intitulé Chambre blanche, relatif à la démarche d’Erwan Malle, jeune artiste diplômé ENSBA Paris, 2004. D’autre part, Marcel Cohen a accompagné de textes (qu’on retrouvera dans Faits III) les photographies d’Aurore de Sousa éloquemment réunies au beau titre de L’Ombre nue, aux éditions Créaphis.

[14John Taylor, Paths to Contemporary French Literature, vol. 1, Transaction Publishers, 2004, pp. 194-200

[15L’article se conclut par :
The worst of all separations is that dividing a man from his innermost self-now hopelessly lost or in ruins. And the task of recovering one’s vanished or shattered identity is redoubtable. "It is not in mirrors," Cohen cautions, "that we see ourselves. In mirrors, we find only the image of ourselves that we want to find. Whether our tie is neatly tied, and the like. A true mirror is a blank wall." Not surprisingly, he uses as the epigraph of Mirrors a quatrain by the American poet Robert Creeley : "If l look / in the mirror, / the wall, I/ see myself."
Et pour les faits :
« L’idée d’écrire sur le thème du mur m’a été donnée incidemment par Alexandre Delay, un artiste de la galerie Stadler, qui travaillait sur la notion de miroir et d’autoportrait. J’en suis venu à me dire que ce qu’on vérifie devant un miroir c’est la conformité à un modèle. Nous vérifions que nous sommes bien coiffés, que notre cravate est en place ... L’idée selon laquelle nous ne serions tout à fait nous-même que devant un mur nu s’est imposée peu à peu. De là à penser que c’est le seul vrai miroir, il n’y avait qu’un pas. » en réponse à une question de Thierry Romagné [Europe n° 961, pp. 186-190], sur murs et miroirs. Elle éclaire, infra, le livre [Hostinato rigore, Actes Sud, 1986] avec le plasticien Gérald Thupinier ...
Cet extrait de cette manière de poème :
Le mur dans la phrase : signes, syntaxe, durée et, à l’extrême pointe du sens, la barrière retombée du silence, le souvenir douloureux de ce qui devait être dit. ///
Évidence tranquille, splendide solitude de la phrase comme un mur derrière lequel passerait le monde. ///
Ce quelque chose qui, dans chaque mot, tentera toujours de dépasser l’objet, de renverser le mur. ///
C’est là, derrière ce mur. Indéniablement là, à des années-lumière. ///
Murs, collection Petite Sirène, Éditeurs Français Réunis, 1979.
indiquera à l’envi des proximités avec Roger Laporte auquel Marcel Cohen a dédié deux textes des plus forts, dont on pourra trouver une mention indicatrice dans un texte retrouvé.

[16Poète et psychanalyste, Esther Tellermann écrit à propos de ce livre :
Ce que nous livre ici Marcel Cohen n’est pas le mensonge, le semblant de notre vécu, mais notre vanité à en vouloir déchiffrer les signes. Ainsi reste-t-il à l’écrivain, comme aux marins qui savent les leurres de la mer, à se laisser envahir par la langue sans s’y laisser engloutir, à la contenir dans l’extrême précision de la syntaxe et du lexique, jusqu’au point où un style lui impose, dans ses courbures, la surprise d’un son arraché à l’habitude de son rythme, « petite voix » dans les parasites des ondes, petite musique dans la cacophonie des rumeurs.
Action Poétique, n° 151, été 1998.

[17Europe n° 961, p. 198. Marcel Cohen s’exprime à partir d’une question sur l’anonymat de ses personnages, évoquant les voayages qu’il effectue fréquemment sur des porte-conteneurs. Un entretien avec Renaud Ego : Le mépris, une affaire de détails dans La pensée de midi, n° 24/25, apporte à ce sujet des précisions effrayantes sur la dépersonnalisation des humains qui y est à l’oeuvre.

[18Nathalie Quintane, Tomates, POL, 2010.

[19De Chaussure, POL, 1997, ainsi parlait Xavier Person.

[20La suite ?
Une chose est certaine : choisir de parler de chaussures, ou de tout autre sujet, et non de ses « amours enfantines », ressemble encore à s’y méprendre au bonheur, même si nous pouvons y voir le reflet d’un vide immense. Car c’est un bonheur que de trouver en soi la force, le goût, et la volonté aussi, de donner une forme, même à un texte sur la chaussure, même à un vide immense, et même au malheur lui-même. Bien entendu, c’est un luxe de nantis.
Le vrai malheur c’est de ne plus trouver en soi la moindre force, ni même la volonté, d’aborder les sujets les plus graves. Et c’est encore, pour un écrivain, de douter, comme le Virgile que met en scène Hermann Broch, qu’écrire un livre ait encore le moindre sens.
Or, voici ce qui s’est passé en 1995, dans Sarajevo assiégé. Un petit groupe d’écrivains serbes, croates et bosniaques, que tout aurait dû séparer, se sont réunis sur une place publique. Ce n’était pas du tout pour protester : cela, il y a des mois qu’ils le faisaient en vain. Ils se sont réunis pour brûler symboliquement leurs propres livres, comme le rappelait le grand essayiste Predrag Matvejevitch. Cet autodafé volontaire se voulait l’exact opposé des bûchers nazis de 1933. D’un côté des œuvres jugées « malsaines » par le nouveau régime hitlérien, reconnaissant implicitement par là l’importance que ces livres avaient sur l’opinion publique allemande, de l’autre des auteurs convaincus que leurs livres n’ont rien pu empêcher du tout tandis qu’ils sont eux-mêmes abandonnés à leurs bourreaux par les grandes puissances du monde, sous l’œil des soldats des Nations unies censés les protéger, et aussi des caméras du monde entier !
En cette fin de siècle, peut-on douter davantage du pouvoir réel de la culture ?
Marcel Cohen, Notes, 1998, op. cit. p. 84

[21Nathalie Quintane réagit ainsi au leitmotiv : [Il pensait mal, mais il écrivait bien] des mails consécutifs à la publication de l’entretien avec Julien Coupat dans Le Monde (26 mai 2009).

[22Dominique Meens, lui aussi joue, si on peut dire, avec les lettres, v. ces Tracts. Dans la même page « Miassoroubka », Jean-Pierre Loeb, inscrit Bagdad-Tarnac dans
Les harmoniques de l’inactuel (l’irréductible).

[23Dont l’article mène mène aux versions numériques. J’ajoute un bonus : une lecture ancienne mêlant Miles, les partagas (je ne fume plus MAM), et Blanqui ! Il s’agit de Stella by Starlight, par Olivier Renault, revue Le Trait, pour ce que cette nouvelle m’avait fait découvrir le livre de Blanqui.

[24Je viens de lire les recensions en ligne qui m’intéressent : énergie de Pierre Le Pillouër calquée sur celle du livre, andiamo ; lecture pénétrante d’Anne Malaprade, avec dans sa recension la mise en valeur de la question de la possibilité d’une langue du peuple, pour le peuple, de la possibilité même d’un peuple qui soit aussi « promesse de vie de tous », peuple se constituant dans l’émeute et dans la révolution, à la recherche d’une pensée nouvelle qui, comme l’écrit Marx, « tire sa poésie de l’avenir ». !

[25Cf. le duo Adolphe et Auguste Blanqui, dont cet inénarrable : « il faut arrêter les mots au passage pour vérifier leur contenu. Nébuleuse est suspect. »

[26L’une d’elles, page 38, m’a remis en mémoire, est-ce si loin ? la découverte du verbe garrotter (supplice de Salvador Puig Antich, 1974), et d’une stupéfaction-suffocation, le gel du sang qu’elle provoque, identique à celle à l’adolescence de N.N., signifiant superfluité de l’homme et barbarie, une équivalence.

[27Jean-Paul Curnier Le Commerce des charmes, Lignes, 2009,
en coédition avec Le CentQuatre.

[28Pierre Alferi, Les Jumelles, POL, 2009.

[29POL. Et, de la citer pour Le phrasé de la vie (A quelle heure passe le train ? Conversations avec Oury, chez Calmann-Lévy, et Les morts ne savent rien chez POL) et Comme quoi vaut mieux (Beckett corps à corps, chez Hermann).

[30Une première version, Les Flohic Éditeurs, « L’Intranquille », 2001, la seconde, Argol, « La chambre d’écriture », suivie de Smith, mettons par Pierre Michon (cf. ce texte du 28 février 2006), 2006.

[31Pierre Bergounioux, Le Baiser de sorcière / Le Récit absent, octobre 2010.

[32Dont Bergounioux nous indique que : « ce que le siècle des Lumières et celui des révolutions ont conçu de plus haut, de meilleur, a migré, à cet instant, dans la cervelle d’un activiste qui [y] déchiffre, comme à livre ouvert, le sens des événements et leur dimension planétaire ».

[33Maryline Desbiolles, Je vais faire un tour, Créaphis éditions et fondation Facim, 2010.

[34Comme le démontre cet extrait donné par le Magazine littéraire.

[35De lui, André Dimanche vient de publier America Solitudes, qui a plus d’un tour dans son livre : du Massachusetts au Nouveau-Mexique, de l’Utah à la Louisiane, du Texas au New Hampshire.

[36Cf. p. 26 : « Je guette Ulysse et le renard, tous deux de fins rusés. Et rusé le paysage qui les dévoilerait.
Le paysage est rusé. »

[37Maryline Desbiolles, Une femme drôle, éditions de l’Olivier, 2010.

[38Cet "état" d’ailleurs inséparable de la connaissance de "l’école du meurtre",un entretien en ligne, montre que Georges Haldas, malgré celle-ci, n’a jamais renoncé à celui-là.

[39Je vais faire un tour, op. cit. p. 54.