Lignes de vie

Préface des actes du colloque autour de l’oeuvre de Heather Dohollau
Saint-Brieuc, 16-17 novembre 1996 (Ronald Klapka)


Les lignes de la vie sont aussi différentes
Que les chemins, ou que les confins des montagnes.
Ce que nous sommes, Dieu pourra le compléter
Là-bas par l’harmonie, l’éternel et la paix.
 [1]

A l’heure où ont paru ces quelques lignes en guise d’introduction aux actes du colloque consacré à l’oeuvre et à la personne de Heather Dohollau, la revue Poésie 97 [2] aura, elle aussi, rendu par la plume de l’un des intervenants de la manifestation de Saint-Brieuc - Pierre-Alain Tâche - un hommage mérité à une grande poète d’expression française d’origine galloise. A une oeuvre profonde mais accessible, une oeuvre sereine mais qui n’ignore rien de la douleur du monde.

Y furent parcourues quelques-unes des lignes de vie de la poète ; c’est du mihrab, cette niche vide de la mosquée (Jean Lévêque) que partit la ligne hölderlinienne pour parvenir réfractée en sept fenêtres (Michaël Bishop), autant de demeures auxquelles le public put accéder moyennant quelque arabesque tracée par l’Ange du Bizarre (Nathalie Brillant) après avoir éprouvé la tentation rilkéenne (Jacques Dugast) recueilli les sonorités thibétaines de Segalen (Marc Gontard), entendu le cri de Jouve (si cher au coeur de Salah Stétié et de Heather Dohollau pour lesquels cette rencontre a eu tant d’importance) venir enfin à la lumière avec Yves Bonnefoy (Jean-Pierre Jossua) pour découvrir avec Pierre-Alain Tâche une commune mesure.

Autant d’introductions à la lecture de l’oeuvre de Heather Dohollau, tant de ses poèmes que de ses essais ou de ce magnifique et poignant récit La Réponse [3] , évocation imaginaire des derniers instants de Jules Lequier.

Ici lire devient contempler, élire une demeure : " Quelle maison est la mienne ?", se tenir sur le seuil, voire devenir ce seuil, se faire accueil.

Oui, la lecture de Heather Dohollau vous change. De la fréquentation des poètes, peintres, philosophes (les affinités avec Jacques Derrida sont patentes) ou musiciens, des voyages entrepris, Heather Dohollau a su capter les résonances profondes et en faire une musique à elle, à la fois tendre et résolue à partager selon : " un échange étonnamment simple et pourtant plein dans lequel rien ne peut être perdu comme l’amour " [4] .

Puissent ces contributions auxquelles s’ajoute un extrait des Contemporary French Women Poets [5] (essai de Michaël Bishop) esquisser les lignes d’un visage habité par un regard d’un bleu aussi intense que l’extraordinaire tableau de Geneviève Asse [6] , séparé en son centre par une ligne blanche verticale qui a fait dire à Heather Dohollau :

cela sépare
de chaque côté
les portes du tendre
les paumes se préparent
au toucher de rien
par le truchement
de la ligne blanche

© Ronald Klapka _ 3 juin 2005

[1Hölderlin, Friedrich Poèmes de la folie, traduction Pierre Jean Jouve, Gallimard 1963.

[2Restituer la présence absente : Poésie 97, n° 68 / juin.

[3Editions Folle Avoine, 1982.

[4Michaël Bishop ; Studies in XXth Century Literature, volume 13, n° 1, hiver 1989.

[5Editions Rodopi, Atlanta-Amsterdam ; 1995.

[6Exposition "Les Yeux des Mots" (mettant en regard des poèmes de Heather Dohollau avec des tableaux : Music, Morandi, Asse, Mitchell, Moore...) ; été-automne 1996, Musée d’Art et d’Histoire de la Ville de Saint-Brieuc.